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mémoires du maréchal joffre

dement du général Maunoury, avec le troisième groupe de divisions de réserve qui faisait primitivement partie de la 3e armée, la 67e division disponible et les 65e et 75e divisions de réserve venant des Alpes. Cette armée nouvelle avait pour mission de couvrir le flanc droit de la 3e armée contre les forces pouvait déboucher du camp retranché de Metz, en investissant progressivement cette place par l'ouest. Je demandai au ministre de mettre le général Maunoury à ma disposition pour remplir cette tâche. J'avais, en effet, pour ce général une estime particulière, et j'avais souvent regretté que l'impitoyable limite d'âge l'ait, au moment de la guerre, éloigné de tout commandement.

Le ministre me répondit le lendemain qu'il acceptait de mettre à ma disposition le général Maunoury, qu'il avait chargé de l'inspection des régions de l'ouest[1].

  1. Au sujet de la correspondance que nous échangeâmes, le ministre et moi, pendant le mois d'août 1914, il n'est pas sans intérêt de citer la lettre suivante. Cette lettre répondait à la fois au compte rendu que j'avais adressé le 17 à Paris, dans lequel j'annonçais la prise de Sarrebourg, et à une double protestation que j'avais envoyée contre l'envoi de projectiles et d'équipements en Belgique et contre l'ordre donné directement par le ministre d'armer la place de Dijon. J'avais terminé ma lettre en disant que ma responsabilité était assez grande pour que je ne puisse accepter celle qui résulterait de décisions prises en dehors de moi. Je ne cite la réponse du ministre que pour marquer le ton de sympathie et de confiance dont elle était imprégnée.

    Paris, 18/8/14, 11 heures matin.


    Mon cher général et ami,
    1° J'en étais sûr : je ne l'ai pas dit autour de moi, mais j'avais la confiance la plus ardente et la plus ferme dans le succès de nos armes. Je ne veux adresser aux troupes les félicitations du gouvernement, que lorsque le succès sera définitif. Mais vous, dites-leur notre fierté et notre joie ! Dites-leur l'ardente foi que nous avons dans leur héroïsme, dans l'intelligence de nos officiers, dans le génie de notre race. Laissez-moi vous embrasser ; 2° Vous vous plaignez que nous ayons envoyé aux Belges des munitions et des bretelles de fusils. Je comprends votre protestation. Elle est juste. Mais vraiment l'affaire de Liége a eu une si capitable importance stratégique que nous avions l'absolue obligation de payer. Étant donné le retard apporté à l'entrée en ligne des Allemands en Bel-