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mémoires du maréchal joffre

même entre le général Dubail et le général de Castelnau, en raison du rôle que ce dernier avait à remplir auprès de moi en cas de mobilisation.

M. Millerand m'exposa, comme il l'a dit d'ailleurs publiquement depuis, que cette organisation lui paraissait le résultat de considérations plus politiques que militaires. Décidé à tout faire pour renforcer les organes qui avaient la responsabilité de la Défense nationale, il me fit connaître sa décision de supprimer le poste de chef d'état-major de l'armée et de donner au général de Castelnau le titre de sous-chef d'état-major général.

En effet, cinq jours plus tard, le décret du 20 janvier 1912, qui devait ultérieurement être complété par celui du 14 mai 1912, faisait disparaître la fonction de chef d'état-major de l'armée. Le général Dubail reçut un corps d'armée.

Ainsi se trouvait définitivement concentrée entre mes mains la presque totalité des attributions militaires ; c'était la première fois que de tels pouvoirs étaient confiés à un seul homme : j'avais action sur l'instruction de l'armée, sa doctrine, ses règlements, sa mobilisation, sa concentration. Pour les questions d'avancement, le nouveau ministre me faisait connaître son intention de me consulter. Pour la première fois, on aboutissait à cette conception logique du chef responsable en temps de guerre centralisant en temps de paix toutes les attributions pour préparer la guerre. Après mille discussions de toutes sortes, considérations de personnes aussi bien que de politique, il avait fallu la crise d'Agadir pour faire admettre une solution qui aurait paru trop audacieuse quelque temps auparavant ; il avait fallu, en outre, deux ministres animés l'un comme l'autre du seul sentiment patriotique pour donner à cette réforme toute son ampleur.

A moi, maintenant, revenait le soin d'utiliser ces pouvoirs au mieux des intérêts de la France, et de me montrer digne de la confiance qu'on me témoignait.