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la bataille de la marne

lever d'autres si la situation l'exigeait. Encore fallait-il que je fusse assuré que leur capacité de résistance n'en serait pas compromise, sans quoi l'ennemi eût repris l'initiative des opérations que nous venions de lui enlever.

J'ai dit au début de ce chapitre que, dans la soirée du 5 septembre, le général de Castelnau avait manifesté son intention d'abandonner le Grand-Couronné et Nancy, au cas où il ne pourrait tenir sur ses positions sans compromettre l'avenir. Le 6, à 13 h. 10, je lui adressai un télégramme pour lui faire connaître que, tout en approuvant ses intentions pour le cas où il serait obligé d'abandonner le Grand-Couronné, j'estimais préférable qu'il se maintînt sur ses positions actuelles jusqu'à l'issue de la bataille qui venait de s'engager.

De fait, le commandant de la 2e armée parvint ce jour-là à enrayer les attaques ennemies, et il put même reprendre l'offensive. Mais le 7, la situation sur son front s'aggrava de nouveau. Le général de Castelnau très affecté par la mort de l'un de ses fils, et apprenant que le bataillon chargé de défendre la butte Sainte-Geneviève avait évacué cette position, donna à son chef d'état-major, le général Anthoine, des instructions pour la retraite, et il se disposa à enjoindre aux autorités civiles de Nancy d'avoir à évacuer la ville.

Cette décision était grave. Nous n'avions pas besoin, en un pareil moment, que l'ennemi pût claironner son entrée à Nancy. Du point de vue stratégique, la retraite de la 2e armée allait mettre la 1re dans l'alternative suivante :

Ou bien elle suivrait la 2e dans son recul en se liant à elle, et alors c'était l'abandon de la Franche-Comté et l'enveloppement probable de l'aile droite des armées françaises ; ou bien elle résisterait en s'appuyant aux places de Belfort et d'Épinal ; mais alors c'était la rupture de nos deux armées d'aile droite avec la perspective de voir l'armée Dubail se faire acculer à bref délai à la frontière suisse.

Fort heureusement, avant d'expédier ces ordres dont il mesurait toute la gravité, le général Anthoine téléphona au grand quartier général pour annoncer la décision qui