Page:Mémoires du maréchal Joffre (1910-1917) T.1.pdf/48

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée
39
l'évolution des doctrines

Nous sommes partis en campagne avec des cadres insuffisants, et c'est en pleine bataille, sous la pression des événements, qu'il fallut réaliser ces coupes sombres que je proposais de faire en temps de paix.

Maintenant que la doctrine était mise au point, il importait de la codifier en un document de base destiné à servir de guide au haut commandement et aux états-majors. Ce règlement nouveau qui prit le nom de Règlement sur la conduite des grandes unités devait servir de corps de doctrine pour l'enseignement donné à l'École supérieure de guerre et au Centre des Hautes Études militaires ; il devait servir aussi de point de départ à un nouveau Règlement sur le service des armées en campagne, document fondamental pour les corps de troupe : les instructions pratiques et les règlements de manœuvre des différentes armées s'y rattacheraient.

Il me semblait que, de cette façon, toutes les prescriptions concernant l'emploi tactique des troupes formeraient un seul faisceau, et que s'établirait ainsi tout le long de la hiérarchie cette communauté de principes si souhaitable et si nécessaire à la convergence des efforts.

Des commissions, dans lesquelles une place importante était réservée aux membres du Comité technique d'état-major, furent constituées pour rédiger ces divers règlements. A la fin d'octobre 1913, le ministre de la Guerre soumettait à la signature du président de la République le décret portant Règlement sur la conduite des grandes unités : il était rédigé en une prose ardente, un peu la manière d'une profession de foi, certaines phrases même rappellent un peu le style de la Convention décrétant la victoire. Il affirme comme une sorte de dogme que le succès à la guerre ne va qu'à celui qui recherche la bataille et sait la livrer offensivement avec tous ses moyens. Il basait l'idée de sûreté sur la nécessité pour le commandement de s'affranchir de l'emprise ennemie. Ce règlement était une nouveauté en ce sens que, pour la première fois, les principes relatifs à la conduite du corps d'armée et des unités supérieures étaient exposés dans un texte officiel.