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que 375 coups par pièce représentant un tonnage de 400 tonnes de projectiles tandis que nous en avions nous-même 500 tommes représentant 615 coups pour chacune de nos pièces de corps d'armée. La répartition des munitions entre les divers échelons du corps d'armée français permettait de disposer de 37 000 coups sur le champ de bataille, tandis que le corps d'armée allemand disposait que de 18 000 coups. La solution adoptée en France semblait donc mieux répondre aux exigences de la consommation des pièces à tir rapide.

Je ne partageais pas cet optimisme ; en effet, nos renseignements étaient fort incomplets en ce qui concernait les approvisionnements constitués en Allemagne dans les dépôts d'armée, d'étapes et de l'intérieur. D'autre part, l'artillerie à tir rapide est une grande consommatrice de munitions, et puisque nous étions résolus à donner une allure offensive à nos opérations éventuelles, il fallait redouter le sort d'une armée dont les munitions seraient épuisées en face d'un adversaire encore pourvu d'obus. De plus, si nous avions moins de canons que les Allemands, nous devions compenser cette infériorité en nous réservant la possibilité de tirer un plus grand nombre de coups de canon par pièce. L'infanterie ne pourrait exécuter ses attaques qu'appuyée par un ouragan de projectiles, et il paraissait inutile de posséder des armes à tir rapide si on ne mettait pas à leur disposition d'abondants approvisionnements pour les alimenter. Par surcroît, l'infériorité de notre artillerie lourde nous faisait un devoir de réaliser pour notre artillerie de 75 une écrasante supériorité.

Aussi, lorsque à la fin de l'année 1911, je fus appelé à présider les conférences qui fixèrent le programme des besoins de la défense nationale, je posai en principe que les approvisionnements de 75, qui devaient être portés de 1 200 à 1 500 coups, étaient à constituer non pas en cinq ans et demi comme on l'avait prévu, mais en quatre ans.

En 1912, on dépensa 10 millions pour cet objet, et 14 millions et demi en 1913. Malheureusement, la fabrication fut ralentie par l'impossibilité dans laquelle se trouva le