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mémoires du maréchal joffre

Voici de quelle manière nos agents diplomatiques l'expliquaient : sous peine de mourir pléthorique, l'Allemagne avait un besoin absolu non seulement de conserver, mais encore de créer des débouchés à son industrie et à son commerce. Elle se trouvait, de ce fait, en rivalité avec d'autres nations. Jusqu'en 1912, croyant fermement à la supériorité de son organisation militaire, le peuple allemand avait pensé que le seul geste de jeter son épée dans la balance internationale suffirait toujours à la faire pencher du côté de ses intérêts. Commerçants et industriels allemands étaient persuadés qu'il suffirait de quelques menaces de poudre sèche et de sabre aiguisé pour faire tomber toutes les résistances et conquérir le monde dans l'ordre économique.

Or l'attitude de la France dans le conflit marocain avait été pour l'Allemagne un sujet de surprise et la solution du conflit produisit sur elle un effet de stupeur. Elle regarda les concessions que lui fit la France comme une humiliation que cette dernière lui infligeait.

Persuadés que l'autorité des peuples dans la paix se mesure à la capacité qui leur est reconnue de faire la guerre, nos voisins de l'Est estimèrent à partir de ce moment que lui puissance militaire n'était plus assez grande pour en imposer. Un consul allemand d'un des plus grands ports de commerce de l'Europe résumait ainsi la situation : "Il est possible que la guerre, surtout une guerre malheureuse, amène la déchéance commerciale de l'Allemagne, mais elle ne l'entraînera pas plus que des reculades diplomatiques, en raisons des conséquences morales et économiques de ces dernières. Le commerce et l'industrie souffrent actuellement très durement des difficultés suscitées de tous côtés à l'Allemagne. Il faut les briser par la force, si c'est nécessaire, et s'armer en conséquence."

C'est de cet état d'esprit que résultait la loi militaire du 14 juin 1912 ; c'est également cet état d'esprit qui avait donné naissance en janvier 1911 à la Ligue de défense nationale "le Wehrverein", qui avait pour but "de rétablir le sentiment de confiance que les Allemands possédaient il