Page:Méric - À travers la jungle politique et littéraire, 2e série, 1931.djvu/20

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Comme tous, d’Axa fut happé par le grand drame. Il sortit de sa Tour de silence. Et il lança sa Feuille à tous les vents.

Deux années de lutte féroce. Chacune de ses Feuilles faisait mouche. Les mots étaient pesés, les termes aiguisés. Il flagellait les « moutons de Boisdeffre » ; il dénonçait la « saoulerie de l’uniforme, la nostalgie du servage ». Il montrait que la France n’était plus la cavale de Barbier, mais « la grenouille qu’on amorce avec un fonds de culotte rouge ». Il s’accrochait à la boutique de faussaires de l’État-major et s’écriait : « En joue !… Faux !… » Il allait plus loin encore… trop loin selon certains. Il bafouait le peuple souverain.

Un jour, il organisa, en pleine période électorale, une mascarade. Il se mit à promener dans les rues de la capitale un âne, un doux Aliboron, baptisé par lui : « Nul » et dont la mission était d’aligner les suffrages non exprimés. Naturellement son âne blanc fut élu, mais les agents traînèrent au poste ce digne représentant du peuple.

Autre méfait. Il s’est complu, parfois, à railler « l’honnête ouvrier » fier « de ses mains calleuses ». Il a jeté de dures vérités aux révolutionnaires, aux « rhétoriciens de la Sociale, prometteurs de bien-être futur ». Pour lui, pas de directeurs de conscience, pas de chefs de file. Il bataillait, simplement pour le plaisir de batailler. Rien ne pouvait l’enrôler — j’allais écrire : l’entôler. Et, cependant, cette attitude, qu’on n’a pas toujours bien comprise, n’était pas vain dilettantisme. Rien de gratuit, proclamait-il. Ainsi que je l’ai montré, quand il fallait payer, il payait et… il recommençait.