Page:Méric - À travers la jungle politique et littéraire, 2e série, 1931.djvu/28

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.


Gaston Couté,
poète du peuple


Ce pauvre Gaston Couté ! Est-ce que vraiment, on l’aurait oublié, comme me l’assurait, il y a quelques jours, un de ses plus vieux admirateurs ? Est-ce que son nom a perdu toute signification pour les générations présentes, pour les générations qui ont poussé après la guerre ?

C’est bien possible. Le temps coule. Le flot sur le flot se replie. Et tel qui fut célèbre, acclamé, populaire, adulé, n’est plus que cendres dans le foyer éteint de l’humaine mémoire.

Couté n’était, d’ailleurs, qu’un poète — une sorte de moineau des champs échoué à Paris. Il chantait pour son plaisir. Il chantait la peine immense des pauvres bougres ballottés, comme des galets, dans l’océan des amertumes et des souffrances. Il sifflait aussi, au nez des puissants, des heureux, à la barbe des préjugés.

Et que voulez-vous qu’il demeure d’un oiseau qui ne sait que chanter ? Le souvenir qui va s’abolissant. C’est comme pour le journaliste qui, durant toute une existence de labeur, sème à tort et à travers le plus précieux de lui-même, et, forçat de sa verve et, forçat de l’écritoire, noircit du papier… Si vous comptez que quelque chose reste de vous, hâtez-vous de pondre quelque gros volume fastidieux. Ça, c’est du confortable et la postérité vous le revaudra.

Je voudrais vous parler de Gaston Couté. Vous en parler avec la ferveur attendrie d’un homme qui fut un