Page:Méric - À travers la jungle politique et littéraire, 2e série, 1931.djvu/48

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son homme. Il ne lui restait plus qu’à saisir la bonne occasion. C’était bien facile. Un mot, un geste, un regard et, à l’aide de deux témoins bénévoles, la chose était réglée. Les chaouchs allaient dépenser leurs économies dans quelque bouge immonde, et un homme sombrait, retranché à jamais de la vie.

Ah ! ces pages colorées par la haine, chargées de la dynamite des images, traversées d’un long frémissement de douleur, coupées d’appels irrésistibles à la justice humaine ! Ces pages baignées de pitié, trempées de colère, quel bouleversement elles suscitaient dans les âmes ! Elles influencèrent des milliers de jeunes gens qui se dressaient, poings fermés, contre le militarisme et, bien après l’affaire Dreyfus, on les relisait encore avec ferveur. Pour tout dire, c’était le bréviaire du révolté pour la génération à laquelle j’appartiens.

Depuis, Biribi a disparu. Du moins, on l’assure. Albert Londres a réussi à faire transférer les disciplinaires et leurs tourmenteurs dans les prisons militaires de la métropole. Il n’est pas certain qu’ils aient gagné beaucoup au change. Quand on a démoli une Bastille, on s’aperçoit qu’il en est d’autres qui réclament la pioche.

Mais n’eût-il écrit que ce seul livre, que cela suffirait pour sauver Darien de l’oubli. On ne le connaît plus aujourd’hui, soit ! L’avenir réparera. Un jour, on redécouvrira cet écrivain ardent, spontané, volcanique, pourrait-on dire. Il appartient à la postérité. Si, toutefois, cette dame…

Retour des compagnies africaines, Darien triompha quelques années sur les boulevards et accumula les excentricités. Puis, tout à coup, il s’éclipsa. Il vécut de longues années à Londres, d’où il rapporta un volume : Le