Page:Méric - À travers la jungle politique et littéraire, 2e série, 1931.djvu/50

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jours d’août, les trains bondés d’ivrognes et de braillards, les wagons vêtus de feuillage et de fleurs, les pancartes « viâ Berlin », toute l’écœurante sottise des bipèdes poussés vers l’abattoir. Les hommes ne changent guère.

Après ça, ce sont les premiers engagements, les communiqués, les racontars de la presse. Victoires éblouissantes, succès prodigieux. Préludes au bourrage de crânes ! Ça marche, ça marche !

Cependant, l’ennemi pénètre en France. Qu’importe ! L’invincible Mac-Mahon, l’invincible Bazaine, toute la glorieuse légion des chefs invincibles, ne sont-ils pas là, et même un peu là ! Du moment qu’on laisse les Prussiens entrer en France, c’est qu’on leur a tendu un piège (ô Castelnau !), et ils sont perdus, irrémédiablement perdus.

Il y a bien, dans la quantité, parmi nos héros du coin du feu, quelques individus bizarres qui se sont fait casser la figure pour avoir manifesté à Paris, en faveur de la paix. Ces misérables tiennent des propos alarmistes ; ce sont des défaitistes. On les méprise et on les craint. Car la victoire est certaine. Vive l’Armée ! Vive l’Empereur !

Catastrophe. On apprend les premières défaites. Il faut bien se rendre à l’évidence, à la triste évidence. Nous sommes battus. Les choses vont mal, très mal. Les Prussiens sont à deux pas de Versailles. La Révolution éclate à Paris. C’est la République. Et tous nos patriotards prudhommesques de changer leur fusil d’épaule. Ils crient : « À bas Badinguet ! Vive Gambetta ! » Et ils chantent, savez-vous ce qu’ils chantent ? La Marseillaise. Horreur !

Cependant, ni la Marseillaise, ni Gambetta ne peuvent contenir la ruée de l’ennemi. Les Prussiens entrent dans Versailles figé dans la stupeur et l’épouvante.