Page:Méric - À travers la jungle politique et littéraire, 2e série, 1931.djvu/6

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leurs, on le remettra à sa véritable place, tout en haut, parmi les élus.

Celui-là fut un de nos Maîtres — le Maître des Maîtres, aux alentours de l’affaire Dreyfus. J’ai personnellement subi deux irrésistibles influences : tout jeune, encore enfant, Jules Vallès ; plus tard, d’Axa. Deux tempéraments différents, cependant, et de procédés opposés ; mais ils se rejoignaient dans une commune haine de la laideur et de la bassesse, dans le mépris des préjugés odieux et stupides, dans le rouge claironnement de leurs colères et de leurs indignations.

Comment ne pas se souvenir ? L’affaire, la Grande Affaire dont on espérait tout, dont on imaginait pouvoir faire un levier pour soulever tout un monde d’iniquités, battait son plein. Aux portes des salles de réunion, où des foules houleuses, surchauffées, surbourrées, mêlaient leurs clameurs et leurs enthousiasmes, les camelots hurlaient : « Demandez La Feuille… Dernier numéro ! » Qu’était-ce donc que cette Feuille ? On y allait de ses deux sous. On se disait : « Nous lirons ça demain. On verra ! »

On a vu. La Feuille, ce n’était pas simplement du papier, avec des caractères noirs dessus, des lignes qui se succédaient, de la prose qui se déroulait… C’était un brûlot propre à incendier les intelligences, un pétard à la mélinite bon pour faire sauter les consciences, quelque chose comme un éclair foudroyant dans l’abîme opaque des ignorances, des égoïsmes apeurés, des lâchetés tenaces… Le mot d’ordre lancé aux rébellions… Le geste et le cri que tous les assis, tous les courbés attendaient pour se dresser, plus hardiment dans la Vie…

La profession de foi clamée par l’Individu.

Pourtant cette Feuille déroutait les esprits. Elle n’était pas tout à fait dreyfusarde comme nous l’aurions