Page:Méric - À travers la jungle politique et littéraire, 2e série, 1931.djvu/77

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la propagande antimilitariste, prêchant la révolte et la désertion ; puis, pincé, traduit devant la justice militaire et condamné. Quelle bonne petite plaisanterie, hein !

— Fousillé !… fousillé !

Sacré Belle Lune de Bela Kun. Je ne le verrai jamais autrement que je l’ai vu ce jour-là, avec sa face épaisse, ses lèvres épaisses, son rire épais et le mouvement de ses grosses pattes frottées l’une contre l’autre :

— Fousillé !… fousillé !

Et la Révolution allemande ?

Hélas ! Quelques jours après, c’était fini. Les ouvriers se firent massacrer. Le putsch échouait lamentablement.

Et Bela Kun disparaissait… Il allait, sans doute, ailleurs, recommencer l’expérience.

Mais je n’en avais pas terminé avec lui. De retour à Paris, j’appris que le dictateur m’avait mis en accusation devant le parti communiste pour crime de patriotisme et pour m’être indigné véhémentement contre ce que je qualifiais de besogne de trahison.

C’était le dictateur qui arrangeait ainsi les choses. Tout de même, je ne pouvais pas demander à nos amis de Paris qu’on envoyât Ernest Lafont se faire fusiller. Cachin lui-même, dont la spécialité, cependant, est de lâcher ses meilleurs camarades, aurait refusé. « Fousillé ! » C’est vite dit. Mais plutôt difficile en France. Il n’en reste pas moins que pour n’avoir pas voulu faire fusiller Lafont — qui ne m’a même pas dit merci — je suis devenu prématurément une sorte d’individu suspect, capable de toutes les trahisons. Patriote et militariste par surcroît. Horreur !

Mais j’anticipe. Pour l’instant, je suis encore à Berlin,