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en pleine agitation, en pleine bagarre. Il va falloir penser au retour. Vous allez voir que ce retour ne fut pas précisément un petit voyage d’agrément.


IV.


Tout en « faisant la Révolution » à Berlin, avec une remarquable conscience, il m’arrivait, dans la journée, de lâcher les bons camarades pour aller me promener, ainsi qu’un simple bourgeois, dans la ville du kaiser.

Mais si je lâchais les camarades, eux ne me lâchaient pas. Il est difficile d’imaginer avec quelle méthode scientifique sont organisés là-bas l’espionnage et le mouchardage officiels. Je n’ai pas une minute été inquiété par la police allemande, mais j’ai dû subir le mouchardage soviétique qui sévit et s’exerce à tout instant du jour, monstrueusement.

Dès que vous êtes arrivé à Berlin, vous voilà signalé. Vous louez une chambre d’hôtel ; elle ne vous appartient pas. Un « camarade » vient s’installer dans la journée, vous réveille le matin, vous accompagne le soir.

Vous déambulez dans la cité ? Un camarade, discrètement, s’attache à vos pas.

Vous allez au restaurant seul ? Le camarade flaire un mystère. C’est tout juste si l’on ne vient pas vous épier dans le petit coin où « de rêver en paix on a la liberté ».

La police révolutionnaire internationale est admirablement organisée.

Ce que j’ai pu en sentir des espions sur mes talons ! Au début, j’en riais. À la fin, ça m’agaçait. L’un d’eux, surtout, que j’avais quelque peu frôlé à Paris et qui avait conquis une haute fonction dans l’armée soviétique, ne cessait de se dresser sur mon passage. Je le rencontrais,