Page:Méric - À travers la jungle politique littéraire, 1930.djvu/110

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comme je lui affirmais que sa manière rappelait vaguement Laforgue, il s’emporta, pourpre de colère :

— Je ne dois rien à personne, n… de D…. ! Je suis « Moi », tu entends, « Moi », et ça suffit.

Pourquoi je me fâchai avec ce bon vivant de poète et, du même coup, comment je faillis me battre en duel avec Salmon, je vais vous le dire et, cette parenthèse fermée, je reviendrai à mes héros de la rue de Buci.

En ce temps-là, j’étais hospitalisé à la Santé (je vous ai déjà conté la chose) et, de ma cellule, je rédigeais, chaque semaine, les huit pages des Hommes du Jour. Un après-midi, on me porta un « écho ». Il s’agissait d’un concours de poésie à l’Odéon. L’écho affirmait que le lauréat était désigné d’avance, que ce concours n’était que chiqué et que, d’ailleurs, de Max, qui lisait un des poèmes, s’était trompé de feuillet et avait commencé par la fin sans que le public y prit garde. Qu’y avait-il de vrai là dedans ? Je l’ignore. J’insérai le malencontreux écho, où précisément mes amis Salmon et Van der Peal étaient en cause.

Mais quel potin lorsque le numéro parut ! Salmon se précipita dans les bureaux du canard, demandant un responsable. Il était pâle de fureur. Il parlait de constituer des témoins. Henri Fabre lui fit remarquer que je me trouvais placé dans un cas formel d’impossibilité et qu’à moins de consentement gouvernemental… Salmon se rendit à ces justes raisons et se contenta de m’expédier une lettre vengeresse. Nous nous bombardâmes quelques semaines de missives