Page:Méric - À travers la jungle politique littéraire, 1930.djvu/138

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Prolétaire malheureux,
Lorsqu’un jour, devenu vieux
Tu ne pourras plus à l’usine
Faire manœuvrer ta machine…

Et, ma foi, je dois le dire, les volontés du père Escat furent scrupuleusement respectées. On chanta, on bavarda, on évoqua les années d’un jadis encore très proche. On se serait cru aux soirées de la Chope. Dans sa caisse de sapin, le père Escat devait avoir le sourire.

*
* *

Et le Grand Chose ? 


Nous l’avions surnommé ainsi — vous rappelez-vous, Mayéras ? — d’abord parce qu’il était grand, ensuite parce qu’il nous parvenait du fond de la Bretagne où on l’avait expédié comme pion. Mais il n’était pas fait pour exercer longtemps cette noble profession parmi les indigènes de Lannion et la curaille qui les conduisait. Il lui fallait Paris, ses nuits ses tavernes, ses bohèmes.

Jamais il ne se couchait avant l’aube. Rarement il se levait avant le crépuscule.

Je tairai son nom. Il est aujourd’hui rangé des voitures, fonctionnaire dans un syndicat, père de famille, je crois. Mais, pour nous, il est demeuré le Grand Chose.

C’était un être délicieux et sublunaire et, de plus, méticuleux à l’excès.

Je le revois, exécutant son entrée à la Chope. Il