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avait représenté le général avec un tablier de boucher, les bras nus et teints de sang. Trois pages de texte servaient de légende à ce dessin qui fit impression, des pages où je dénonçais, avec âpreté, les « atrocités marocaines » et où je ne craignais point de qualifier nos héros de « bandits en uniforme ». On ne mâchait pas les mots à cette bienheureuse époque.

Défenseurs : Marcel Sembat et Ernest Lafont. J’ai déjà eu l’occasion de conter ailleurs comment le « bon Sembat » accepta, quoique non inscrit au barreau, de venir plaider ma cause, en veston, et comment, victime de son inspiration, il attribua Polyeucte à Racine.

Les témoins étaient nombreux et imposants. On avait appelé Maurice Allard, Vaillant, Urbain Gobier, Francis Jourdain, Lucien Descaves, Grandjouan, Octave Mirbeau, Séverine, Anatole France, Georges Lhermitte, pour n’en citer que quelques-uns. Tous ne purent venir, mais ils écrivirent et on lut leurs lettres aux jurés.

Je dis : on lut leurs lettres. Seulement… tenez, je vais vous dévoiler une petite supercherie dont nous nous rendîmes coupables.

Nous nous étions réunis dans un restaurant du Châtelet, un peu avant l’audience, Sembat, Lafont, Delannoy, Henri Fabre, qui administrait le journal, et moi-même, pour nous mettre d’accord sur la meilleure façon de conduire le procès. Sembat était inquiet. Il redoutait le maximum. J’étais encore plus inquiet. Je craignais que, dans le désir de m’éviter une condamnation, Sembat ne se montrât pas assez vigoureux et accusateur.