Page:Méric - Le Crime des Vieux, 1927.djvu/134

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tre-vingt-troisième année et pourtant je suis plus jeune que vous.

Une décharge d’ahurissement me parcourt tout le corps. Ce vieux-là a une façon d’être jeune et de lire en vous ! Je me fais tout mince dans mon fauteuil, le souffle absent, le cœur bondissant à grands coups dans ma poitrine. Des cailloux se heurtent dans ma tête.

— Monsieur Doucet, je me présente… vous avez devant vous le féroce, le terrible, l’implacable, le monstrueux Ugolin…

Je ne risque pas un mouvement. Je m’attendais du reste à cette déclaration. L’autre poursuit :

— Ugolin, ça ne signifie rien. Qu’en dites-vous ? Apprenez à me connaître plus complètement. Ici, dans cette maison, ou plutôt sous cette maison, dans ces lieux où j’ai élu domicile, je suis le bon petit M. Merlin — pas l’Enchanteur — le photographe, le savant photographe qui s’absorbe en expériences sur les couleurs. Mais Merlin n’est qu’un camouflage. En réalité, et sur l’état civil, je suis le professeur Huler, une espèce d’original bafoué et conspué par toutes les académies et toutes les facultés de l’univers. Ce n’est pas tout. Je suis aussi l’oncle de votre amie Juliette.

Je n’ai pu réprimer un sursaut. Le vieillard grimace un sourire et se met à toussoter, de sa petite toux grinçante et fêlée.

— Quand je dis l’oncle de Juliette, c’est une façon de parler. La vérité, c’est que cette petite, par moi adoptée, fut arrachée à l’Assistance publique, élevée par mes soins. Elle ne connaît ni père, ni mère, pas