Page:Méric - Le Crime des Vieux, 1927.djvu/136

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

su pénétrer, seul, avec une lucidité qui nous a émerveillés l’énigme des cambriolages et des enlèvements… Sans doute, et conformément à mes instructions, votre amie Juliette vous a-t-elle mis sur la voie. Mais un autre ne l’aurait pas écoutée, taxant de folies ses hypothèses. Vous, vous avez vu tout de suite le parti admirable qu’on pouvait tirer de ses suggestions. De plus, vous êtes doué d’estomac. Mes avis comminatoires n’ont pas ébranlé votre courage. En un mot vous êtes l’homme qu’il nous faut. Nous avons besoin pour les siècles à venir d’un échantillon de votre genre. Il manquait un journaliste à notre collection.

J’ouvre des yeux effarés, sans chercher le moins du monde à dissimuler mon ahurissement. Que veut-il dire, cet Ugolin, avec ses siècles à venir et sa collection à laquelle je manque ? Est-ce que, par hasard, il va de nouveau me plonger dans l’hypnose pour me réveiller dans quelques centaines d’années ?

Le vieillard s’est redressé, les paupières largement ouvertes, et il fixe sur moi l’éclat de ses yeux térébrants qui me font reculer, d’un geste instinctif, mon fauteuil. Ce n’est pas un regard. C’est comme la projection insoutenable de deux phares irradiants. Il y a un feu d’enfer ou des étincelles divines dans ce regard. Et puis la taille s’est développée, le torse apparaît. Il n’est pas aussi voûté, aussi tassé, aussi recroquevillé qu’il en a l’air, ce professeur de quatre-vingt-trois ans.

— Écoutez-moi bien, formule-t-il d’une voix plus grave. Vous n’avez absolument rien à craindre ici. Nous ne tenterons rien sur vous qu’avec votre consente-