Page:Méric - Le Crime des Vieux, 1927.djvu/139

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Je ne bronche point.

Il y a des rumeurs, un ouragan assourdissant dans mon crâne, comme une désagrégation de ma raison qui s’effiloche et qui fuit. Je ne sais plus si je rêve ou si mes pieds sont posés, solidement, sur le sol.

Le petit vieux continue de sa voix prenante qui, par instant, se casse brusquement en une toux saccadée. Et il va, il va. Il explique, il commente, il argumente. Les mots dansent dans mes oreilles. Mon cerveau est plein de musique.

— Les vieux dévorent les jeunes… C’est la logique. Nous voulons vivre, vivre, transformer le monde. Place aux hommes chargés de sagesse et de science. Place à l’élite. Nous avons soif de vigueur, de lucidité, d’intelligence neuve… de rajeunissement, pour exprimer le mot et situer exactement la chose… Et les jeunes gens que nous vous avons renvoyés en si piteux état — ces infortunés jeunes gens sur lesquels vous avez versé votre apitoiement à longs flots et qui ne sont plus que des ombres — eh bien ! nous les enfermons en nous, nous les avons avalés, assimilés, matériellement, chimiquement, mathématiquement. Leur phosphore rampe dans nos os ; leur sang coule dans nos veines, cogne dans nos cœurs ; leurs tissus s’accrochent à nos tissus ; leurs cellules se marient à nos cellules. Miracle de la consubstantialité. Ce sont eux qui vous parlent, qui parlent en nous, qui clament le triomphe absolu, définitif de la vie, une et harmonieuse, par-dessus les hasards des fécondations grossières et sans but…