Page:Méric - Le Crime des Vieux, 1927.djvu/232

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Laissons ces divagations stériles. Aussi bien ma pensée prend une autre direction — toujours la même. Elle me ramène, irrésistiblement, aux événements de ces dernières années, à l’agonie d’Ugolin, à l’avenir qui se dessine sous des aspects peu riants, certes. Et c’est encore l’inévitable question qui se formule. Que va-t-il résulter de cette aventure ?

Je n’ai plus mes notes d’antan. Mais ai-je besoin de notes. Le passé s’impose avec une netteté exaspérante. Je vis, je revis atrocement toutes mes existences, toutes mes vieilles existences, dont la première seule, je puis bien me l’avouer, compte réellement ; dont les autres, maintenant, me paraissent du rêve dévidé.



Qu’on me suive. Poussé hors de l’antre d’Ugolin, titubant sur la route comme un homme ivre, ou, plutôt marchant tout éveillé à la façon d’un somnambule, j’ai repris le chemin de Paris. Rien d’anormal dans la ville : le brouhaha ordinaire des rues, l’affolement des passants rapides et préoccupés, les boutiques reluisantes, le vacarme des voitures… Non, vraiment, rien de particulier. Les misérables ne se doutent pas le moins du monde de ce qui se prépare d’inconcevable et de hors l’imagination. J’achète un journal du matin. Pas une allusion à Ugolin.

Un instant perplexe, j’arrange à la hâte une histoire. Me voici au Vespéral, parmi des clameurs de stupéfaction.