Page:Mérimée, Lettres à une inconnue 1,1874.djvu/160

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deux heures et demie ; puis samedi, si vous ne pouvez aujourd’hui. À une autre que vous, je dirais autre chose. Je voulais vous écrire aujourd’hui, mais je me suis arrêté en pensant à ma promesse. J’ai mal fait. Vous auriez dû me dire votre heure et votre jour ; cela nous eût épargné l’inconvénient de nous manquer. J’espère qu’il n’en sera rien. Je suppose surtout que vous avez réellement envie de faire cette promenade, car votre lettre est plus froide que les précédentes. Il y a dans votre manière un équilibre admirable. Vous ne voulez jamais que je sois parfaitement content, et vous prenez d’avance vos mesures pour me faire enrager. Cela vous sera peut-être plus difficile que vous ne pensez, car, bien que je sois malade depuis deux jours, je vois tout couleur de rose. Hier, j’ai dîné dans une maison où, entrant tard au milieu d’un cercle de femmes, j’ai cru d’abord vous reconnaître, et j’en suis devenu stupide pendant un quart d’heure. Je ne tournais pas les yeux vers cette personne qui vous ressemblait, et je réfléchissais fort mal, comme lorsqu’on est troublé, sur ce que je devais faire : vous reconnaître ou non.