Page:Mérimée, Lettres à une inconnue 1,1874.djvu/189

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qu’il paraît, que dans les folies et surtout dans les rêves. Ce qu’il y a d’étrange, c’est que je n’ai jamais cru, sinon cette fois, à la persistance de nos querelles. Mais il y a dix jours que nous nous sommes séparés d’une manière presque solennelle qui m’a effrayé. Étions-nous plus irrités que d’ordinaire, plus clairvoyants ? nous aimions-nous moins ? Il y avait certainement entre nous, ce jour-là, quelque chose que je ne me rappelle pas distinctement, mais qui n’avait jamais existé. Les petits accidents viennent après les grands. En même temps que je vous disais adieu, mon cousin changeait son jour aux Italiens, et je pense que je ne vous y rencontrerai plus le jeudi. Je me rappelle aussi que vous avez dit prophétiquement que je vous oublierais pour l’Académie, et c’est devant l’Académie que nous nous sommes quittés. Tout cela est fort bête, mais cela m’obsède, et je meurs d’envie de vous revoir, ne fût-ce que pour nous quereller.

Vous enverrai-je cette lettre ? je ne sais trop. Hier, je suis allé, sur la foi d’un vers grec, à Saint-Germain-l’Auxerrois. Vous rappelez-vous quand nous nous devinions toujours ?