Page:Mérimée, Lettres à une inconnue 1,1874.djvu/191

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une invention admirable, de mettre dans un beau palais des tableaux et des statues, et d’y laisser promener le monde ? Malheureusement, on va fermer ce beau lieu pour y mettre de vilaines croûtes modernes. Cela ne vous fait-il pas de la peine ? Croyez-moi, allons faire nos adieux à toutes ces vieilles statues. Le samedi est un jour admirable, car il n’y vient que des Anglais peu gênants pour ceux qui aiment à regarder de près les tableaux. Que vous semble de samedi, c’est-à-dire après-demain ? Ce sera le dernier samedi. Ce mot de dernier me fait de la peine. Ainsi donc, à samedi. Vous me parlez de vos remords pour mon œil. De quelle espèce sont vos remords ? l’accident pouvait s’éviter de deux manières : je pouvais ne pas compromettre mon œil, vous pouviez le ménager. C’est, je pense, pour le dernier fait que vous avez des remords, du moins que vous devez en avoir eu avant les seconds mouvements. Si vous ne m’écrivez pas, je vous attendrai samedi à deux heures devant la Joconde, à moins d’un temps horrible ; mais il fera beau, je l’espère, et, s’il survenait quelque contre-temps, ce serait assurément votre faute.