Page:Mérimée, Lettres à une inconnue 1,1874.djvu/239

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plus agréablement qu’à moi. Mais cette pensée-là n’était pas la plus gaie, parce que, aussitôt qu’elle venait, je me représentais combien je serais heureux de vous voir auprès de moi dans ce coin ignoré. Et puis, et puis tout cela se terminait par cette autre pensée plus désolante, que vous étiez bien loin, qu’il n’était pas facile de se voir et pas sûr même que vous le voulussiez bien. Ma présence à Vézelay a beaucoup intrigué la population. Lorsque je dessinais, surtout lorsque je me servais d’une chambre claire, un rassemblement considérable se formait autour de moi, et c’était à qui bâtirait des conjectures sur mon genre d’occupation. Cette célébrité ne laissait pas d’être fort ennuyeuse, et j’aurais bien voulu avoir avec moi un janissaire pour contenir les curieux. Ici, je suis rentré dans la foule. Je suis venu pour voir un vieil oncle que je ne connaissais guère. Il a fallu rester deux jours avec lui. Pour ma peine, il m’a mené voir quelques têtes sans nez qui proviennent d’une fouille faite aux environs. Je n’aime pas les parents. On est obligé d’être familier avec des gens qu’on n’a jamais vus parce qu’ils se trouvent fils du même père que votre père. Mon oncle est