Page:Mérimée, Lettres à une inconnue 1,1874.djvu/265

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consolait un peu de la chute des feuilles. Je crains que cela n’ait passé comme bien des choses de ma jeunesse. Écrivez-moi, chère amie ; dites-moi que vous vous portez bien, que vous ne m’en voulez pas de mes reproches. Vous ne me corrigerez pas de ce défaut-là. Si je n’étais habitué à penser tout haut avec vous, je serais presque tenté d’être toujours en colère, car vous êtes si aimable alors, qu’on ne peut se repentir du chagrin qu’on a dû vous causer ; cependant, je me souviens seulement des moments où nous avons l’un et l’autre les mêmes pensées, et où il me semblait que vous oubliiez et mon importunité et votre orgueil. On m’apporte votre lettre. Je vous en remercie de cœur. Vous êtes aussi bonne, aussi charmante que vous l’étiez avant-hier ; de votre part, c’est doublement beau, car les choses aimables que vous me dites, vous les sentez encore et ce n’est pas la peur de mes colères qui vous les dicte. Si vous saviez tout le plaisir que me fait un mot de vous qui vient de vous-même, vous en seriez moins avare. J’espère que vous ne changerez pas de situation d’âme.

Je suppose que vous vous êtes fort amusée à