Page:Mérimée, Lettres à une inconnue 1,1874.djvu/267

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la peine de ce sacrifice, puisque vous n’avez plus la consolation qu’on en apprécie le mérite. Pour parler votre langue, vous vous donnez de doubles remords. Je vous ai dit cela plus d’une fois. Vous m’accusez d’injustice et je ne crois pas avoir mérité ce reproche. Si j’ai été injuste, ça n’a pas été souvent. Vous me jugez très-mal. Il est vrai que nous avons des caractères si différents, et surtout des points de vue si différents, que nous ne pouvons jamais juger les choses de même. J’ai tâché de ne pas me mettre en colère. Je crains de n’avoir réussi qu’imparfaitement et je vous en demande pardon. Toutefois, il y a eu quelque amélioration de ma part, convenez-en. Comment voulez-vous disputer sur le sujet que vous dites : « Qui aime le mieux ? » La première chose à faire serait de s’entendre sur le sens du verbe, et c’est ce que nous ne ferons jamais. Nous sommes trop ignorants l’un et l’autre pour être jamais d’accord, et surtout trop ignorants l’un de l’autre. Pour moi, j’ai cru vous connaître plus d’une fois, et vous m’échappez toujours. J’avais raison de dire que vous étiez comme Cerbère : Three gentlemen at once.