Page:Mérimée, Lettres à une inconnue 1,1874.djvu/306

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sotte et plus insupportable. Cette fois-ci, j’ai le spleen et je vois tout en noir, peut-être parce que vous m’avez oublié si indignement. Je n’ai eu de bons moments qu’en traversant toute sorte de bois très-épais dans les Ardennes, qui me faisaient penser à d’autres bois bien plus agréables. Je crains que vous n’y pensiez guère. Pour m’achever, j’ai trouvé ici d’horribles bêtises qu’on a faites avec notre argent. Ce sont des pères de famille vertueux et niais qui les ont faites, et contre lesquels je dois lancer les rapports les plus fulminants, tendant à les faire crever de faim. Ce métier de férocité m’afflige. J’aurais besoin d’être adouci par une lettre de vous. J’en reviens toujours à mes moutons. Pourquoi ne m’avez-vous pas écrit ? Je vais être je ne sais combien de temps sans nouvelles, car je n’ai pas d’itinéraire assez arrêté pour vous indiquer mes étapes. En somme, je ne trouve que des raisons d’être furieux. Il est vraisemblable que vous vous trouvez bien où vous êtes, et je m’attends à ne vous revoir que cet hiver, quand l’Opéra vous rappellera à Paris.

Adieu ; quand vous penserez à moi, vous verrez