Page:Mérimée, Lettres à une inconnue 1,1874.djvu/346

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en noir la dernière fois. Je vois aujourd’hui les choses, non en couleur de rose, mais gris de lin. C’est la couleur la plus gaie que comporte la République. On m’avait fait croire malgré moi à la bataille ; maintenant, je n’y crois plus, ou, si j’y crois, c’est pour plus tard. Aussi bien, je m’imagine que vous mourez de froid au bord de votre mer. Je suis toujours malade, je ne mange ni ne dors ; mais le pire de mes maux, c’est que je m’ennuie épouvantablement. Cependant, j’ai à travailler, et ce n’est pas dans l’oisiveté que je bâille ; mais, dans quelque situation que le phénomène se manifeste, il est toujours fort désagréable. Pour vous, je ne comprends pas ce que vous pouvez faire à D…, et je ne vois pas d’autre explication à votre séjour parmi vos sauvages, que de penser que vous y avez fait quelque conquête dont vous êtes toute fière. Je vous réserve une belle querelle pour votre retour. Serace vendredi ou bien lundi ? Je ne crois pas qu’il soit prudent à vous d’attendre plus longtemps. Adieu ; je vous quitte pour aller entendre votre favori, M. Mignet, qui fait un discours à l’Académie morale. Croyez que l’enquête se passera sans