Page:Mérimée, Lettres à une inconnue 1,1874.djvu/390

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jambes, voilà la description d’une beauté bohémienne.

Hier, nous employions inutilement notre savoir en anatomie, pour comprendre comment ces femmes-là marchent. À cela près, elles ont de fort beaux yeux et quelquefois des cheveux noirs très-longs et très-fins, mais des pieds et des mains d’une longueur, d’une grosseur et d’une largeur qui surprennent les voyageurs les plus habitués aux choses extraordinaires. La crinoline leur est inconnue. Le soir, elles boivent, dans les jardins publics, une carafe de bière, et prennent après une tasse de café au lait, ce qui les dispose à manger trois côtelettes de veau avec du jambon, et c’est à peine s’il leur reste de la place pour quelques pâtisseries légères, de la nature de nos babas. Telles sont mes observations sur les mœurs et les coutumes. Mon lit se compose d’une couverture des couleurs les plus jolies, d’un mètre de long, à laquelle est boutonnée une serviette qui me sert de drap. Quand j’ai mis cela en équilibre sur moi, mon domestique dépose sur le tout un édredon que je passe toutes les nuits à culbuter et à replacer ; mais, en revanche, je