Page:Mérimée, Lettres à une inconnue 1,1874.djvu/394

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

aimable. J’ai écrit des pensées sublimes sur des albums, j’ai fait des dessins ; en un mot, j’ai été parfaitement ridicule. C’est en partie la honte de ce métier-là qui me fait prendre aujourd’hui le chemin de Dresde. Je ne m’y arrêterai qu’un jour et j’irai à Berlin ; après avoir vu le musée, je partirai pour Cologne et j’y trouverai une lettre de vous.

Vous ai-je dit que j’étais allé en Hongrie ? J’ai passé trois jours à Pesth et me suis cru en Espagne ou plutôt en Turquie. Ma pudeur y a beaucoup souffert, car on m’a montré un bain publie à Bade, où les Hongrois et les Hongroises sont pêle-mêle dans un court-bouillon d’eau minérale très-chaude. J’y ai vu une très-belle Hongroise, qui s’est caché la figure de ses mains, n’ayant pas comme les femmes turques des chemises pour se voiler le visage. Ce spectacle m’a coûté six kreutzer, soit quatre sous. J’ai vu la Dame de Saint-Tropez au théâtre hongrois, n’ayant pas l’esprit de reconnaître un mélodrame français sous le titre S.-Tropez à Unôz. J’ai entendu des musiciens bohémiens jouer des airs hongrois très-originaux, qui font perdre la