Page:Mérimée - Carmen.djvu/175

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vous ne devez plus la voir, car son cœur hésite encore entre le bien et le mal, et malheureusement vous n’avez ni la volonté, ni peut-être le pouvoir de lui être utile. En la revoyant, vous pourriez lui faire beaucoup de mal… C’est pourquoi je vous demande votre parole de ne plus aller chez elle.

Max fit un mouvement de surprise.

— Vous ne me refuserez pas, Max ; si votre tante vivait, elle vous ferait cette prière. Imaginez que c’est elle qui vous parle.

— Bon Dieu ! madame, que me demandez-vous ? Quel mal voulez-vous que je fasse à cette pauvre fille ? N’est-ce pas au contraire une obligation pour moi, qui… l’ai vue au temps de ses folies, de ne pas l’abandonner maintenant qu’elle est malade, et bien dangereusement malade, si ce que l’on me dit est vrai ?

— Voilà sans doute la morale du monde, mais ce n’est pas la mienne. Plus cette maladie est grave, plus il importe que vous ne la voyiez plus.

— Mais, madame, veuillez songer que, dans l’état où elle est, il serait impossible, même à la pruderie la plus facile à s’alarmer… Tenez, madame, si j’avais un chien malade, et si je savais qu’en me voyant il éprouvât quelque plaisir, je croirais faire une mauvaise ac-