Page:Mérimée - Carmen.djvu/328

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leurs ravages avec une grande impartialité sur tous leurs voisins. Dans leurs villes, espèces de campements de nomades ils ne souffraient pas de femmes ; c’était que les cosaques amoureux de la gloire allaient se former et apprendre le métier de partisan. L’égalité la plus parfaite régnait dans la horde tant qu’elle était en repos dans ses marécages du Dnieper. Alors les chefs ou atamans ne parlaient à leurs administrés que le bonnet à la main. Dans une expédition, au contraire, leur pouvoir était illimité, et la désobéissance au capitaine de campagne (ataman kotchevoï) était considérée comme le plus grand des crimes. Nos flibustiers du xviie siècle ont bien des traits de ressemblance avec les Zaporogues, et l’histoire des uns et des autres conserve le souvenir de prodiges d’audace et de cruautés horribles. Tarass Boulba est un de ces héros avec lesquels, comme dit l’étudiant de Schiller, les relations sont possibles quand on tient à la main un fusil bien chargé. Je suis de ceux qui goûtent fort les bandits, non que j’aime à les rencontrer sur mon chemin ; mais, malgré moi, l’énergie de ces hommes en lutte contre la société tout entière m’arrache une admiration dont j’ai honte. J’ai lu autrefois avec ravissement la vie de Morgan, de l’Olonnais et de Mombars l’exterminateur, et je ne m’ennuierais pas au-