Page:Mérimée - Carmen.djvu/356

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fait au ministère qu’il n’ait donné son avis. Malgré quelques exagérations qui sentent un peu la parade italienne, cette scène est la plus franchement gaie de la comédie ; elle rappelle pour la verve la fameuse scène du Henri IV de Shakespeare, où Falstaf raconte ses prouesses contre des voleurs habillés de bougran, qui, dans l’enthousiasme du récit, augmentent de nombre à chaque nouveau détail.

(Un salon chez le gouverneur. KHLESTAKOF, LE GOUVERNEUR, ANNA ANDREIEVNA, femme du gouverneur, MARIA ANTONOVNA, sa fille, LES EMPLOYÉS.)

« Le gouverneur. — Permettez-moi de vous présenter ma famille, ma femme et ma fille.

« Khlestakof. — C’est un grand bonheur pour moi, madame, d’avoir celui de vous voir dans votre famille.

« Anna Andreievna. — C’en est un bien plus grand pour nous de voir une personne si distinguée.

« Khlestakof. — Pardonnez-moi, madame, tout le bonheur est pour moi.

« Anna. — Vous êtes trop aimable, monsieur. Prenez donc la peine de vous asseoir.

« Khlestakof. — C’est déjà assez de bonheur, madame, d’être debout auprès de vous… Mais, puisque vous l’exigez… je m’asseois. C’est un grand bonheur pour moi, madame, d’être assis auprès de vous.

« Anna. — Pardonnez-moi, monsieur ; je n’ai pas la vanité de croire… Je pense, monsieur, que, venant de quitter la capitale, cette petite excursion vous a paru bien… monotone.