Page:Mérimée - Carmen.djvu/68

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je vous en réponds. Le soir vint, et j’entendis les tambours qui battaient la retraite.

— Il faut que j’aille au quartier pour l’appel, lui dis-je.

— Au quartier ? dit-elle d’un air de mépris ; tu es donc un nègre, pour te laisser mener à la baguette ? Tu es un vrai canari, d’habit et de caractère[1]. Va, tu as un cœur de poulet. Je restai, résigné d’avance à la salle de police. Le matin, ce fut elle qui parla la première de nous séparer. — Écoute, Joseito, dit-elle ; t’ai-je payé ? D’après notre loi, je ne te devais rien, puisque tu es un payllo, mais tu es un joli garçon, et tu m’as plu. Nous sommes quittes. Bonjour.

Je lui demandai quand je la reverrai.

— Quand tu seras moins niais, répondit-elle en riant. Puis, d’un ton plus sérieux : Sais-tu, mon fils, que je crois que je t’aime un peu ? Mais cela ne peut durer. Chien et loup ne font pas longtemps bon ménage. Peut-être que, si tu prenais la loi d’Égypte, j’aimerais à devenir ta romi. Mais, ce sont des bêtises : cela ne se peut pas. Bah ! mon garçon, crois-moi, tu en es quitte à bon compte. Tu as rencontré le diable, oui, le diable ;

  1. Les dragons espagnols sont habillés de jaune.