Page:Mérimée - Colomba et autres contes et nouvelles.djvu/120

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qui ne tient plus le vin. Voilà ce qu’on apprend sur le continent, Memmo !

— Oui, et si l’on sait que tu as tué ce cochon, on te fera un procès, et Ors’ Anton’ ne voudra pas parler aux juges ni payer l’avocat. Heureusement personne ne t’a vu, et sainte Nega est là pour te tirer d’affaire.

Après une courte délibération, les deux bergers conclurent que le plus prudent était de jeter le porc dans une fondrière ; projet qu’ils mirent à exécution, bien entendu après avoir pris chacun quelques grillades sur l’innocente victime de la haine des della Rebbia et des Barricini.

XVII.

Débarrassé de son escorte indisciplinée, Orso continuait sa route, plus préoccupé du plaisir de revoir miss Nevil que de la crainte de rencontrer ses ennemis. — Le procès que je vais avoir avec ces misérables Barricini, se disait-il, va m’obliger d’aller à Bastia. Pourquoi n’accompagnerais-je pas miss Nevil ? Pourquoi, de Bastia, n’irions-nous pas ensemble aux eaux d’Orezza ? Tout à coup des souvenirs d’enfance lui rappelèrent nettement ce site pittoresque. Il se crut transporté sur une verte pelouse au pied des châtaigniers séculaires. Sur un gazon d’une herbe lustrée, parsemé de fleurs bleues ressemblant à des yeux qui lui souriaient, il voyait miss Lydia assise auprès de lui. Elle avait ôté son chapeau, et ses cheveux blonds, plus fins et plus doux que la soie, brillaient comme de l’or au soleil, qui pénétrait au travers du feuillage. Ses yeux, d’un bleu si pur, lui paraissaient plus bleus que le firmament. La joue appuyée sur une main, elle écoutait toute pensive les paroles d’amour qu’il lui adressait en tremblant. Elle avait cette robe de mousseline