Page:Mérimée - Colomba et autres contes et nouvelles.djvu/131

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venait de lui suggérer. Après un silence de quelques minutes, Colomba demanda vivement si les deux fortes détonations avaient précédé ou suivi les autres. Mais ni le colonel, ni sa fille, ni le guide, n’avaient fait grande attention à ce point capital.

Vers une heure, aucun des messagers envoyés par Colomba n’étant encore revenu, elle rassembla tout son courage et força ses hôtes à se mettre à table ; mais, sauf le colonel, personne ne put manger. Au moindre bruit sur la place, Colomba courait à la fenêtre, puis revenait s’asseoir tristement, et, plus tristement encore, s’efforçait de continuer avec ses amis une conversation insignifiante à laquelle personne ne prêtait la moindre attention et qu’interrompaient de longs intervalles de silence.

Tout d’un coup, on entendit le galop d’un cheval. — Ah ! cette fois, c’est mon frère, dit Colomba en se levant. Mais à la vue de Chilina montée à califourchon sur le cheval d’Orso : — Mon frère est mort ! s’écria-t-elle d’une voix déchirante.

Le colonel laissa tomber son verre, miss Nevil poussa un cri, tous coururent à la porte de la maison. Avant que Chilina pût sauter à bas de sa monture, elle était enlevée comme une plume par Colomba qui la serrait à l’étouffer. L’enfant comprit son terrible regard, et sa première parole fut celle du chœur d’Othello : Il vit ! Colomba cessa de l’étreindre, et Chilina tomba à terre aussi lestement qu’une jeune chatte.

— Les autres ? demanda Colomba d’une voix rauque.

Chilina fit le signe de la croix avec l’index et le doigt du milieu. Aussitôt une vive rougeur succéda, sur la figure de Colomba, à sa pâleur mortelle. Elle jeta un regard ardent sur la maison des Barricini, et dit en souriant à ses hôtes : — Rentrons prendre le café.

L’Iris des bandits en avait long à raconter. Son patois, traduit par Colomba en italien tel quel, puis en anglais