Page:Mérimée - Colomba et autres contes et nouvelles.djvu/139

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

— Chère miss Nevil, dit Colomba, ne puis-je savoir ce que vous dit mon frère ? Vous parle-t-il de son état ?

— Mais…, dit miss Lydia en rougissant, il n’en parle pas… Sa lettre est en anglais… Il me charge de dire à mon père… Il espère que le préfet pourra arranger…

Colomba, souriant avec malice, s’assit sur le lit, prit les deux mains de miss Nevil, et la regardant avec ses yeux pénétrants : — Serez-vous bonne ? lui dit-elle. N’est-ce pas que vous répondrez à mon frère ? Vous lui ferez tant de bien ! Un moment l’idée m’est venue de vous réveiller lorsque sa lettre est arrivée, et puis je n’ai pas osé.

— Vous avez eu bien tort, dit miss Nevil, si un mot de moi pouvait le…

— Maintenant je ne puis lui envoyer de lettres. Le préfet est arrivé, et Pietranera est pleine de ses estafiers. Plus tard nous verrons. Ah ! si vous connaissiez mon frère, miss Nevil, vous l’aimeriez comme je l’aime… Il est si bon ! si brave ! songez donc à ce qu’il a fait ! Seul contre deux et blessé !

Le préfet était de retour. Instruit par un exprès de l’adjoint, il était venu accompagné de gendarmes et de voltigeurs, amenant de plus procureur du roi, greffier et le reste, pour instruire sur la nouvelle et terrible catastrophe qui compliquait, ou, si l’on veut, qui terminait les inimitiés des familles de Pietranera. Peu après son arrivée, il vit le colonel Nevil et sa fille, et ne leur cacha pas qu’il craignait que l’affaire ne prît une mauvaise tournure. — Vous savez, dit-il, que le combat n’a pas eu de témoins ; et la réputation d’adresse et de courage de ces deux malheureux jeunes gens était si bien établie, que tout le monde se refuse à croire que monsieur della Rebbia ait pu les tuer sans l’assistance des bandits auprès desquels on le dit réfugié.

— C’est impossible, s’écria le colonel ; Orso della