Page:Mérimée - Colomba et autres contes et nouvelles.djvu/142

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du village. « Le grand air me fera du bien, disait-elle. Il y a si longtemps que je ne l’ai respiré ! » Tout en marchant elle lui parlait de son frère ; et miss Lydia, que ce sujet intéressait assez vivement, ne s’apercevait pas qu’elle s’éloignait beaucoup de Pietranera. Le soleil se couchait quand elle en fit l’observation et engagea Colomba à rentrer. Colomba connaissait une traverse qui, disait-elle, abrégeait beaucoup le retour ; et, quittant le sentier qu’elle suivait, elle en prit un autre en apparence beaucoup moins fréquenté. Bientôt elle se mit à gravir un coteau tellement escarpé, qu’elle était obligée continuellement pour se soutenir de s’accrocher d’une main à des branches d’arbres, pendant que de l’autre elle tirait sa compagne après elle. Au bout d’un grand quart d’heure de cette pénible ascension, elles se trouvèrent sur un petit plateau couvert de myrtes et d’arbousiers, au milieu de grandes masses de granit qui perçaient le sol de tous côtés. Miss Lydia était très fatiguée, le village ne paraissait pas, et il faisait presque nuit.

— Savez-vous, ma chère Colomba, dit-elle, que je crains que nous ne soyons égarées ?

— N’ayez pas peur, répondit Colomba. Marchons toujours, suivez-moi.

— Mais je vous assure que vous vous trompez ; le village ne peut pas être de ce côté-là. Je parierais que nous lui tournons le dos. Tenez, ces lumières que nous voyons si loin, certainement c’est là qu’est Pietranera.

— Ma chère amie, dit Colomba d’un air agité, vous avez raison ; mais à deux cents pas d’ici… dans ce mâquis…

— Eh bien ?

— Mon frère y est ; je pourrais le voir et l’embrasser si vous vouliez.

Miss Nevil fit un mouvement de surprise.

— Je suis sortie de Pietranera, poursuivit Colomba, sans