Page:Mérimée - Colomba et autres contes et nouvelles.djvu/220

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d’armes. Il se laissa tomber sur sa main gauche, et de la droite, glissant son épée sous la targe de don Cristoval, il la lui enfonça au défaut des côtes avec tant de force que le fer se brisa après avoir pénétré de la longueur d’une palme. Don Cristoval poussa un cri et tomba baigné dans son sang. Pendant cette opération, qui dura moins à faire qu’à raconter, don Garcia se défendait avec succès contre ses deux adversaires, qui n’eurent pas plus tôt vu leur chef sur le carreau qu’ils prirent la fuite à toutes jambes.

— Sauvons-nous maintenant, dit don Garcia ; ce n’est pas le moment de s’amuser. Adieu, mes belles ! Et il entraîna avec lui don Juan tout effaré de son exploit. À vingt pas de la maison, don Garcia s’arrêta pour demander à son compagnon ce qu’il avait fait de son épée.

— Mon épée ? dit don Juan, s’apercevant alors seulement qu’il ne la tenait plus à la main… Je ne sais… je l’aurai probablement laissé tomber.

— Malédiction ! s’écria don Garcia, et votre nom qui est gravé sur la garde !

Dans ce moment on voyait des hommes avec des flambeaux sortir des maisons voisines et s’empresser autour du mourant. D’un autre côté de la rue, une troupe d’hommes armés s’avançaient rapidement. C’était évidemment une patrouille attirée par les cris des musiciens et par le bruit du combat.

Don Garcia, rabattant son chapeau sur ses yeux, et se couvrant de son manteau le bas du visage pour n’être pas reconnu, s’élança, malgré le danger, au milieu de tous ces hommes rassemblés, espérant retrouver cette épée qui aurait indubitablement fait reconnaître le coupable. Don Juan le vit frapper de droite et de gauche, éteignant les lumières et culbutant tout ce qui se trouvait sur son passage. Il reparut bientôt courant de toutes ses forces