Page:Mérimée - Colomba et autres contes et nouvelles.djvu/282

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ménagère, en cas de combat, est de charger les armes de son mari.

D’un autre côté, l’adjudant était fort en peine en voyant Mateo s’avancer ainsi, à pas comptés, le fusil en avant et le doigt sur la détente. Si par hasard, pensa-t-il, Mateo se trouvait parent de Gianetto, ou s’il était son ami, et s’il voulait le défendre, les bourres de ses deux fusils arriveraient à deux d’entre nous, aussi sûr qu’une lettre à la poste ; et s’il me visait, nonobstant la parenté !…

Dans cette perplexité, il prit un parti fort courageux, ce fut de s’avancer seul vers Mateo pour lui conter l’affaire, en l’abordant comme une vieille connaissance ; mais le court intervalle qui le séparait de Mateo lui parut terriblement long.

— Holà ! eh ! mon vieux camarade, criait-il, comment cela va-t-il, mon brave ? c’est moi, je suis Gamba, ton cousin.

Mateo, sans répondre un mot, s’était arrêté, et, à mesure que l’autre parlait, il relevait doucement le canon de son fusil, de sorte qu’il était dirigé vers le ciel au moment où l’adjudant le joignit.

— Bonjour frère[1], dit l’adjudant en lui tendant la main. Il y a bien longtemps que je ne t’ai vu.

— Bonjour frère !

— J’étais venu pour te dire bonjour en passant, et à ma cousine Pepa. Nous avons fait une longue traite aujourd’hui ; mais il ne faut pas plaindre notre fatigue, car nous avons fait une fameuse prise. Nous venons d’empoigner Gianetto Sanpiero.

— Dieu soit loué ! s’écria Giuseppa. Il nous a volé une chèvre laitière la semaine passée.

Ces mots réjouirent Gamba.

— Pauvre diable ! dit Mateo, il avait faim.

  1. Buon giorno, fratello, salut ordinaire des Corses.