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LE VASE ÉTRUSQUE.

1830

Auguste Saint-Clair n’était point aimé dans ce qu’on appelle le monde ; la principale raison, c’est qu’il ne cherchait à plaire qu’aux gens qui lui plaisaient à lui-même. Il recherchait les uns et fuyait les autres. D’ailleurs il était distrait et indolent. — Un soir, comme il sortait du Théâtre-Italien, la marquise A*** lui demanda comment avait chanté mademoiselle Sontag. « Oui, madame, » répondit Saint-Clair en souriant agréablement et pensant à tout autre chose. On ne pouvait attribuer cette réponse ridicule à la timidité, car il parlait à un grand seigneur, à un grand homme, et même à une femme à la mode, avec autant d’aplomb que s’il eût entretenu son égal. — La marquise décida que Saint-Clair était un prodige d’impertinence et de fatuité.

Madame B*** l’invita à dîner un lundi. Elle lui parla souvent ; et, en sortant de chez elle, il déclara que jamais il n’avait rencontré de femme plus aimable. Madame B*** amassait de l’esprit chez les autres pendant un mois, et le dépensait chez elle en une soirée. Saint-Clair la revit le jeudi de la même semaine. Cette fois, il s’ennuya quelque peu. Une autre visite le détermina à ne plus reparaître dans son salon. Madame B *** publia que Saint-Clair