Page:Mérimée - Colomba et autres contes et nouvelles.djvu/394

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

je le sais, est au-dessus de votre âge. Je me fie à vous ; vos sentiments politiques sont opposés aux miens, il est vrai ; mais vous êtes rempli d’honneur, et vous ne me trahirez point.

Édouard. Oh ! ma cousine… Mais je vous répète que je n’ai pas d’opinions politiques ; et, si j’en prends, je prendrai les vôtres.

La comtesse. Un petit nombre d’hommes courageux ont formé le projet d’affranchir leur pays d’un joug honteux ; et mon mari et moi-même nous allons travailler dans ce but. Peut-être, avec l’aide de Dieu, parviendrons-nous à rappeler en France nos princes légitimes… peut-être succomberons-nous… et…

Édouard. Ah çà ! mais c’est donc une conspiration que vous faites ?… Malepeste ! cousine, comme vous y allez !

La comtesse. Oui, Édouard, une conspiration ; et jamais il n’en fut plus digne de succès. M’imaginant que vous gémissiez comme moi sous la tyrannie du Corse, je voulais vous offrir de partager nos périls et notre gloire…

Édouard. Quoi ! vous conspirez !… sérieusement ? sans farce ?

La comtesse. Oui, Édouard ; et, faible femme que je suis, c’est moi qui ai conçu l’idée de ce complot. — Édouard, je vous ai parlé à cœur ouvert. — Si vous aimez mieux votre empereur que votre famille, vous pouvez lui révéler nos projets, vous pouvez nous perdre ; je saurai subir mon sort.

Édouard. Ah ! morbleu !… pour qui me prenez-vous ?… Vous ne pensez pas ce que vous dites ; autrement… Ma foi, puisque vous en êtes, le diable m’emporte ! j’ai envie de m’en mêler.

La comtesse. Il serait vrai ?

Édouard. Pourquoi pas ? je vois que cela vous fait