Page:Mérimée - Colomba et autres contes et nouvelles.djvu/96

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vu l’avocat Barricini, il se sentait plus difficile à convaincre qu’il ne l’eût été quelques jours auparavant. Enfin il se vit contraint d’avouer que l’explication lui paraissait satisfaisante. — Mais Colomba s’écria avec force :

— Tomaso Bianchi est un fourbe. Il ne sera pas condamné, ou il s’échappera de prison, j’en suis sûre.

Le préfet haussa les épaules.

— Je vous ai fait part, monsieur, dit-il, des renseignements que j’ai reçus. Je me retire, et je vous abandonne à vos réflexions. J’attendrai que votre raison vous ait éclairé, et j’espère qu’elle sera plus puissante que les… suppositions de votre sœur.

Orso, après quelques paroles pour excuser Colomba, répéta qu’il croyait maintenant que Tomaso était le seul coupable.

Le préfet s’était levé pour sortir.

— S’il n’était pas si tard, dit-il, je vous proposerais de venir avec moi prendre la lettre de miss Nevil… Par la même occasion, vous pourriez dire à monsieur Barricini ce que vous venez de me dire, et tout serait fini.

— Jamais Orso della Rebbia n’entrera chez un Barricini ! s’écria Colomba avec impétuosité.

— Mademoiselle est le tintinajo[1] de la famille, à ce qu’il paraît, dit le préfet d’un air de raillerie.

— Monsieur, dit Colomba d’une voix ferme, on vous trompe. Vous ne connaissez pas l’avocat. C’est le plus rusé, le plus fourbe des hommes. Je vous en conjure, ne faites pas faire à Orso une action qui le couvrirait de honte.

— Colomba ! s’écria Orso, la passion te fait déraisonner.

  1. On appelle ainsi le bélier porteur d’une sonnette qui conduit le troupeau, et, par métaphore, on donne le même nom au membre d’une famille qui la dirige dans toutes les affaires importantes.