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D’ÉTUDIER LA RELIGION.

que ce qu’on peut en apprendre en deux ou trois mois ; d’un Officier qui s’en tiendoit à ce qu’on lui a enseigné à l’hôtel des Mousquetaires ? On diroit d’eux qu’ils reno[illisible] à leur protection, ou du moins à tous les avantages auxquels le mérite peut prétendre dans chacun de ces états. En un mot, c’est un principe universellement reçu, qu’on doit étudier sa profession, & tâcher de s’y rendre habile.

Or au milieu de tant de professions différentes, il y en a une qui est commune à tous, la plus importante, la plus nécessaire, à laquelle toutes les autres font subordonnées, & fans laquelle elles ne menent à rien : c’est celle du Christianisme. Cette profession a ses régles & ses devoirs, qui sont d’une grande étendue. Il est donc nécessaire à tout Chrétien de l’étudier, &, si je puis parler ainsi, de s’y rendre habile : il n’y a personne qui ait droit de s’en dispenser ; car comme tout Chrétien est obligé d’aimer Dieu, & de croître dans cet amour, tout Chrétien est de même obligé de le connoître, & de tendre à s’avancer dans cette connoissance.

II. Nous sommes tous disciples de Jésus-Christ ; il est notre Maître, & notre unique Maître : Magister vester unus est Christus. Notre premier devoir est donc d’écouter ses Matth. 23. 10. leçons, d’étudier sa doctrine, & de nous en remplir. Qu’est-ce qu’un disciple de Platon, d’Aristote, de Descartes ? C’est celui qui fait profession d’étudier la doctrine & les principes de son Maître, qui se les rend propres, qui y est attaché, qui en prend la défense. Un homme auroit-il bonne grâce de se donner pour un disciple de Descartes, s’il n’avoit point lû les ouvrages de ce Philosophe ; s’il ne se mettoit nullement en peine de les lire, & qu’il se contentât d’avoir appris par mémoire un abrégé de sa doctrine d’environ quatre pages d’écriture, sans connoître ni l’enchaînement de ses principes, ni sa méthode de philosopher, & de chercher le vrai à la lumière du raisonnement & des expériences ? Jamais un tel homme ne passera pour un disciple de Descartes : & un Chrétien qui néglige de s’instruire de la Religion de Jésus-Christ, d’étudier sa doctrine, de méditer les maximes de son Évangile, osera prétendre à l’auguste qualité de disciple de Jésus-Christ ?

Comme il n’y a point de Chrétien dont on puisse dire qu’il n’est point obligé d’étudierII. Elle est l’étude de toute la vie. la Religion, aussi il n’y a point d’âge dans la vie où le Chrétien soit dispensé de s’appliquer à cette étude. En voici quelques raisons.

I. Il y a une grande différence entre l’étude d’une profession qu’on embrasse, & celles qui y servent de préparation. Celles-ci n’ont qu’un tems ; celle-là est pour toute la vie. D’où vient que plusieurs se contentent de donner quelques années à l’étude des sciences naturelles, comme la Métaphysique, les Mathématiques, & la Physique, pour passer de-là à d’autres études, suivant les divers états qu’ils embrassent ? C’est que ces sciences ne sont pas leur fin, mais des moyens qui peuvent les conduire à d’autres études, qu’ils envisagent comme leur fin, & auxquelles ils ont dessein de se fixer.

Il n’en est pas de même de ceux qui se donnent à la profession de Philosophes & de Mathématiciens. S’ils ont un véritable désir de s’y rendre habiles, ils s’appliquent toute leur vie à l’étude de ces sciences, parce que tout homme qui aime fa profession ne cesse de l’étudier, que lorsqu’il ne lui reste plus rien d’utile à apprendre.

Or nous sommes, comme je l’ai dit, Chrétiens de profession ; nous devons donc étudier toute la vie le Christianisme, & travailler à croître dans la connoissance de Dieu, crescentes in scientia Dei, comme un Physicien, un Mathématicien travaillentCol. I. 10. tous les jours à acquérir de nouvelles connoissances, & à faire de nouvelles découvertes dans la Physique & dans les Mathématiques.

II. Le caractère de l’homme juste, selon l’Écriture, est de mettre toute son affectionIf. I. 2. dans la loi du Seigneur, & de la méditer jour & nuit. Donc point de vraie justice sans une disposition persévérante à s’avancer dans la connoissance de Dieu par l’étude & la médication de sa loi, & par l’usage de tous les moyens qu’il nous a mis en main pour nous instruire de nos devoirs.

III. L’Écriture étend à tous les tems, &, s’il étoit possible, à tous les momens de la