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CHAPITRE VII

Actuellement l’église russe est une force immense entre les mains du Tzar. Le Saint-Synode est nominalement l’autorité suprême ; mais le Tzar, par l’influence prépondérante qu’il a sur sa composition, par la présence de son commissaire laïque armé du droit de veto, et par le prestige de sa toute-puissance fait faire au Synode ce qu’il lui plaît.

Le Synode oppose parfois des refus au Tzar, comme par exemple dans les questions de mariages princiers ; mais alors il n’est qu’un prête-nom ; c’est le Tzar qui s’en sert, pour ne pas refuser directement. Ou si, par hasard, un homme d’énergie et de conscience égaré dans l’assemblée fait une opposition sérieuse, on a vite fait de le mettre de côté. Au demeurant, il faut bien dans quelques questions accessoires laisser au Synode une apparence de liberté, pour ne pas trop irrémédiablement le déconsidérer[1].

L’Église russe entretient dans le peuple un culte envers le Tzar dont nous ne pouvons nous faire une idée ; ce culte est la plus grande force du gouvernement impérial.

Mais ce système pourra bien un jour tourner contre ceux qui l’emploient aujourd’hui.

Les dissidents, ou Raskolniks, sont extrêmement nombreux ; des auteurs sérieux estiment leur nombre à 12 000 000. Leurs dénominations sont innombrables ; ils se recrutent naturellement parmi les éléments mécontents et fatigués des abus ; leur existence est le plus souvent tenue secrète, et ils forment une opposition sérieuse à l’Église nationale.

  1. Le Synode est une création de Pierre le Grand qui, après la mort du patriarche Adrien (1702), supprima ce grade suprême de la hiérarchie russe, le remplaçant nominalement par le Saint-Synode, et établissant de fait le Césaropapisme. Une personne, au courant des choses, me disait que les évêques doivent théoriquement se succéder à tour de rôle dans le Synode ; mais l’empereur peut y introduire un évêque hors tour : comme, sauf le cas d’hérésie notoire, l’empereur peut choisir un évêque en dehors de la liste présentée par le Synode, il en résulte qu’il peut choisir son monde aussi servile qu’il le voudra. Toutes les questions de discipline sont tranchées pratiquement par l’empereur. Le Synode ne reste indépendant que dans les questions dogmatiques, et encore ! Une autre personne nous définissait le clergé russe « une succursale de la police ».