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CHAPITRE IX

au porteur, que cette chambre remet aux employés à proportion du montant de leur traitement, leur laissant ensuite le soin de se faire payer eux-mêmes par les villages sur lesquels ils sont assignés. Ce qui n’est pas absorbé de la sorte par les traitements des fonctionnaires, est perçu pour le compte du trésor royal. On concevra facilement à quels effroyables abus doit donner lieu ce système, où chaque employé, muni de son billet, se fait payer lui-même. Il a toute liberté d’extorquer bien au delà de son dû ; car comme, du haut en bas de l’échelle administrative, chacun pressure de son mieux, aucune réclamation ne peut aboutir, étouffée qu’elle est par les intérêts coalisés des fonctionnaires.

Je crois que ce système, exposé tout au long par Chardin (Tome v, ch. 8), fonctionne actuellement sans modification appréciable. J’ai lu tout ce passage à un sujet de Sa Majesté le Shah, et il n’a rien trouvé à y relever.

L’instabilité des fonctions administratives, le manque complet de toute tradition gouvernementale, sont la source première de tous ces maux. Le plus haut fonctionnaire peut perdre sa tête, ou du moins être réduit à la misère, du jour au lendemain. Le Shah est, avant de monter sur le trône, tenu généralement en suspicion par son prédécesseur ; on l’éloigne des affaires et rien ne le porte à s’instruire sérieusement. Devenu souverain, il est fatalement livré à ses favorites dont la fragile fortune amène presque toujours une promotion d’employés nouveaux qui n’ont d’autre mérite que de leur être apparentés ; que la favorite soit disgraciée, ces employés perdent leur place sans aucune compensation. Aussi, chacun profite-t-il de son heure de bonne fortune pour amasser un pécule. Ce souci explique la rapacité avec laquelle les fonctionnaires cherchent à extorquer tous les pourboires possibles ; nos difficultés à la douane de Khoï n’étaient, comme je l’ai dit, qu’une affaire de bakschich. Les gros employés vendent toutes les charges ; un fils du Shah, ministre de la guerre, mettait ouvertement les grades à l’encan !

Voilà le spectacle en temps ordinaire. Mais les enfants du