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CHAPITRE IX

tion était complète. Sans l’énergie du Délégué Apostolique, Mgr Clusel, la partie eût été perdue. Mais, Musulmans et Chrétiens subissaient tous si complètement l’ascendant des vertus et du caractère de Mgr Clusel, que celui-ci put relever leur courage, organiser la résistance et donner aux troupes persanes le temps d’arriver. Le Shah apprécia si bien le rôle de Mgr Clusel qu’il lui envoya de Téhéran, avec toute la pompe possible, la plus haute décoration persane.

Telle est la faiblesse du gouvernement à l’intérieur. À l’extérieur, la situation politique de la Perse, sollicitée par les influences contraires de l’Angleterre et de la Russie, est fort difficile. L’Angleterre, étant la plus éloignée, est matériellement moins à craindre. Mais, réussit-elle à se faire concéder un privilège, l’Ours russe grince des dents et s’en adjuge de suite un plus grand.

L’Angleterre, au moment où nous étions en Perse, venait d’obtenir l’ouverture du fleuve Kharoun à une compagnie de navigation anglaise. Colère de la Russie ! Lorsqu’en 1889 le Shah fit visite au Tzar, celui-ci le reçut comme un valet dont son maître est mécontent, et le força à signer un traité qui, spéculant sur les troubles probables à la mort de Nasr-Eddin, assure à la Russie, pour l’avenir, la possession du Khorassan. Les Russes, d’ailleurs, ne font pas mystère de leurs projets. Un haut fonctionnaire nous disait : Il nous faut le Khorassan comme centre d’opérations éventuelles contre l’Inde ; c’est pour cela que nous avons construit notre chemin de fer Transcaspien contre la frontière de cette province ; d’ici quatre ans, nous occuperons le Khorassan. En novembre 1890, les journaux annonçaient que la Russie s’était fait adjuger la concession d’un chemin de fer de Rescht à Téhéran. Le Shah, me disait ce même fonctionnaire, n’est que le lieutenant du Tzar !

Malgré tous ces abus et toute cette faiblesse du gouvernement, le peuple est généralement tranquille ; une trop longue expérience lui a appris qu’en changeant de maître, il changeait seulement de tyran. Aussi, de ce côté, le gouvernement n’a-t-il