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CHAPITRE XIII

Tel est le cas de la jeune Turquie. Le fonctionnaire « Jeune Turquie », sait le français ; souvent il a été en Europe ; il a un certain vernis d’instruction, quoique au fond il reste ignorant ; il a gardé tous les vices inhérents à la société musulmane ; il nous a emprunté tous les nôtres. Il est suffisant, faux, dépravé. Généralement sa foi musulmane s’en est allée en scepticisme ; il voit le vieil Empire turc tomber en ruines ; mais il ne sait rien faire pour le relever ; piller, et piller toujours, d’autant plus qu’il a agrandi davantage le cercle de ses passions et par conséquent de ses besoins, voilà tout ce dont il est capable.

Quelques-uns, revenus d’Europe, et voyant l’abîme infranchissable qui sépare la civilisation européenne de l’Islamisme, subissent dans leur esprit une réaction profonde. Ils redeviennent Musulmans fanatiques ; ils n’ont plus aucune qualité du Vieux Turc ; personnellement ils sont gâtés ; mais ils ne voient plus de salut pour la Turquie que dans un fanatisme sauvage, une lutte à tout prix ; et l’on voit ainsi ces Turcs européanisés, devenir les représentants des tendances musulmanes les plus farouches[1].

D’autres en arrivent à reprendre le programme le plus arriéré et le plus fanatique, sans obéir à aucune conviction positive autre que la jalousie rageuse et impuissante en face de la supériorité chrétienne.

La plupart des fonctionnaires civils de Van sont « Jeune Turquie ». Quelques faits pourront utilement illustrer leur caractère.

Les Nestoriens de la vallée du Zab, longtemps indépendants, sont astreints maintenant à payer à la Turquie un tribut qui est versé par leur Patriarche, Mar-Chimoûn. Depuis quelques années ils s’en dispensaient ; mais la Turquie ne faisait pas mine de vouloir employer quelque argument convaincant pour réclamer son argent.

Les tribus kurdes qui entourent les Nestoriens sont constamment en hostilités plus ou moins ouvertes avec eux ; elles ne demandaient qu’un signe pour les attaquer.

  1. Oppert. Exp. de Mésopotamie, i, 89, confirme entièrement cette manière de voir.