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CHAPITRE XIX

accrochés aux buissons à plus de dix mètres au-dessus de nos têtes.

Moins large que le Rhin dans les défilés de Bingen, le fleuve se coule entre de grandes falaises calcaires, où pousse une abondante végétation de broussailles. La piste variant d’un jour à l’autre, suivant les caprices de l’eau, n’est qu’un horrible sentier de chèvres où les pierres semblent semées à dessein.

À hauteur de Tchellek qui, sur la rive droite, groupe pittoresquement ses masures au pied des rochers, le fleuve est moins encaissé ; sur notre rive un khân à demi ruiné nous abrite durant quelques instants contre la pluie ; en face de nous se dessinent vaguement dans la brume des amoncellements de montagnes aux formes bizarres ; ce sont les derniers contreforts du Masius qui viennent mourir au fleuve en puissantes murailles de roches à pic.

Le Tigre a un peu monté ces jours-ci ; à un moment donné la piste se perd dans l’eau pour reparaître quelques centaines de mètres plus loin. Bekir-Agha se dévoue bravement pour sonder le terrain ; impossible de passer sans danger ; il faut retourner sur nos pas et chercher un autre sentier qui, par une vigoureuse grimpée atteint le sommet d’un éperon rocheux, pour regagner ensuite le fleuve par une dégringolade insensée. Ici on a creusé des trous pour les pieds des chevaux, ailleurs taillé des marches ; mais le tout est si raide, si glissant par la pluie, les charges heurtent si bien de côté et d’autre contre la roche que c’est merveille d’arriver en bas sans avoir ni homme ni cheval tué. Une de nos bêtes a manqué des quatre fers ; heureusement deux roches complaisantes ont arrêté les caisses ; celles-ci bien arrimées ont maintenu le cheval en l’air et nos hommes ont pu le remettre sur ses jambes. Sans ces bienheureuses roches, nous aurions eu un grave accident.

Le soir approche : pendant toute la journée nous avons voyagé dans le désert. La rive droite du fleuve offrait bien quelques villages cachés dans les rochers ; la nôtre, digne du Kur-