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CHAPITRE XXVI

La nuit tombée, nous croisons le bateau turc[1] ; une mauvaise manœuvre de l’officier de quart nous fait presque couper en deux le pauvre steamer où tout le monde crie et semble avoir perdu la tête.

Vers une heure du matin, nouvel échouage. On stoppe jusqu’à six heures.


27 Janvier.

Les rives deviennent plus plates, et de la passerelle on domine le désert ; par un temps plus clair on aurait une très belle vue sur les montagnes du Louristan dont nous ne devinons que quelques vagues et fantastiques contours. Le fleuve se fait beaucoup plus étroit et plus profond ; un des coudes est si raide, que le Khalifah ne peut le tourner qu’en jetant deux ancres et virant au cabestan.

Il est à remarquer que le Tigre, jusqu’à hauteur de Baghdad, reçoit les eaux de l’Euphrate déversées par plusieurs canaux. À partir de Kout-el-Amara c’est au contraire le Tigre qui déverse dans l’Euphrate une portion des siennes.

Ces échanges réciproques entre les deux grands fleuves devaient être autrefois d’une ressource inappréciable pour la culture. Aujourd’hui les vieux canaux sont à demi obstrués ; leur apport d’eau est des plus variables ; seules les hautes eaux les dégagent ; mais c’est alors pour former des marais pestilentiels.

Une colonie de Tell-Keïfiens s’est installée sur la rive droite du Tigre un peu au-dessus d’Amara ; elle compte des amis, sans doute aussi des parents, parmi les matelots du Khalifah ; aussi, en y passant le steamer ralentit sa marche et s’approche de terre.

Des colloques animés s’engagent ; tout à coup, comme à un signal donné, les matelots ouvrent contre leurs compatriotes un feu roulant d’oranges et de grenades — nouveau genre de combat qui se poursuit au milieu des lazzis et où les colons sont enchantés d’être les vaincus, les bombardés. Au milieu du

  1. La Compagnie turque a trois bateaux sales et dégoûtants.